Lorsque j'observe mes trois garçons je me dis souvent « cette jolie scène je souhaite m'en souvenir toujours ». Dans mon enfance, je rêvais d'avoir des yeux-capteurs qui puissent photographier réellement chaque instant. Dans mes rêves un simple clignement des paupières captait la scène et la figeait pour l'éternité. C'était une invention révolutionnaire qui nous permettait de classer mentalement les souvenirs et de ne jamais les oublier.

Ma plus grande crainte est d'oublier, d'oublier les traits, les expressions, les émotions, les sensations, les visages. C'est pourquoi je prends le temps de photographier pour ne jamais oublier. Dans les dernières années de sa vie terrestre, mon grand-père ne nous reconnaissait plus... et j'ai alors pris réellement conscience de cette crainte que je portais silencieusement. Immortaliser pour ne jamais oublier les êtres qui me sont chers.

Je vis aussi la photographie comme un véritable trésor de gratitude, nous vivons tous chaque jour de belles choses. Même dans la simplicité du quotidien nous avons de nombreuses raisons de nous réjouir. En capturant ces petites et grandes joies quotidiennes ("c'est là un peu de mes joies quotidiennes") nous faisons croître un véritable trésor. Celui de la gratitude. Lire une photographie nous plonge dans l'océan des souvenirs et nous retrouvons la joie de l'instant. Par une simple image nous nous assurons une joie perpétuelle car il nous suffira d'y plonger notre regard pour revivre la scène et sentir de nouveau les émotions rencontrées.

Je n'ai jamais aimé vivre les événements seule, j'ai toujours eu besoin et à cœur de les partager avec mes proches . Lorsque je vivais un bon moment mais qu'il me manquait un proche j'étais toujours déçue et je ne profitais jamais pleinement de l'instant. Regrettant de ne pouvoir partager ce moment magique, qui du coup l'était moins puisque d'autres ne pouvaient en profiter.

La photographie est venue assouvir ma soif de partage du beau. Lorsque je photographie une scène je le fais souvent dans le but de la partager à mes proches afin de leur transmettre la joie que j'ai ressenti à cet instant. Cette notion de partage m'est vitale et m'évite la tristesse de vivre un bon moment sans la présence de toutes les personnes que j'aime. Car la vie m'a fait comprendre que nous ne pouvions pas vivre tous ensemble, tout le temps au même endroit... Mes déménagements fréquents auront eu raison de ce rêve utopique et je ne remercierai jamais assez la photographie de me permettre d'être proche de ceux que j'aime malgré la distance géographique.

Pour conclure, ce qui m’anime tout particulièrement dans la photographie c’est de capturer les émotions.

J’ai longtemps cru que les émotions m’empêchaient d’être efficace, qu’elles étaient un frein à ma productivité, qu’il fallait que j’aille sans cesse de l’avant sans y prêter attention...

Et bien, je le reconnais aujourd’hui j’avais tort … avec le temps j’ai appris à les ressentir, les écouter, à les nommer et je me suis aperçue que loin de me ralentir, elles me permettaient d’aller à la rencontre de moi-même, moi qui ne m’écoutait jamais. Elles m’ont appris à me dépasser et à aborder la vie sous des angles différents. Non il n’y a pas que le travail acharné qui prime, nous pouvons vivre sans être une machine de guerre ultra productive sans émotion apparente. Les émotions sont belles et colorent la vie. Partir à leur quête est devenu un véritable jeu, je suis sans cesse à l’affût des émotions ; mais aussi à l’affût des petites scènes discrètes qui racontent l’histoire dans ses moindres détails. Ce sont ces petites anecdotes en marge de l’Histoire qui sont précieuses, pleine de vie et de sens.